Memory’s a Place I Miss: The Oldest View.
Ce sentiment de nostalgie de l’inconnu est dur à raconter, dur à exprimer tant il est délaissé, comme si seulement certaines personnes ne pouvaient le ressentir. Il est comme une fusion de deux point de vue de notre réalité, de deux timelines : un bout du passé, un bout du présent, qui se touche, se mêle, se superpose dans notre esprit jusqu’à faire naitre en nous une émotion étrange et d’apparence sans origine. Comme un déjà-vu, un glitch de notre monde où il se fond dans un autre…

Capture d'écran de la série 'The Oldest View' de Kane Pixels.
The Oldest View est une Web série YouTube de 6 vidéos (pour un total d’environ 1h40 de visionnage) réalisé par Kane Pixels en 2024. Kane Pixels est un jeune artiste déjà bien connu pour la qualité de son travail de modélisation 3D exceptionnellement réaliste (notamment dans sa série sur les Backrooms).
Je vous conseille bien sûr d’aller voir la série et de suivre le travail de Kane Pixels, mais je vous conseille aussi la vidéo de Feldup sur le sujet, c’est lui qui m’a donné envie de parler de cette série et de cet artiste.

Miniature YouTube de la vidéo de Feldup sur "The Oldest View".
La série commence donc par une longue descente d’escalier sous-terrain qui semble interminable et me rappel la Maison des Feuilles de Mark Z. Danielewski.
Ce livre étrange au multiple récits enchâssés, tourne notamment autour d’une maison de famille contenant ( ?) un dédale de couloirs et d’escaliers immense et en perpétuel changement.

"La Maison Des Feuilles" ou "House Of Leaves" de Mark Z. Danielewski, 2000, Pantheon Books.
Au bout de sa descente, le caméraman de The Oldest View arrive dans un centre commercial abandonné, qui s’allume soudain devant lui. Il commence à explorer mais se fais poursuivre par une statue roulante de carnaval, The Rolling Giant. Plus il progresse dans ce centre commercial, plus l’endroit semble se détérioré. Il fini par repérer une sortie et en essayant de l’atteindre, chute et …
Ce centre commerciale existe, enfin, existait, mais Kane Pixel n’y a mis les pieds que lorsqu’il était déjà poussière. Cette série traite de souvenirs d’un passé oublié, effacé. Après un long travail de recherche, Kane Pixels se base sur des images d’archives pour raconter l’histoire d’un homme et d’un lieu, tout en s’inspirant comme toujours d’internet et des centaines de créations Weirdcore, Dreamcore et Analog/digital horror qui y naissent.
Comme « everywhere at the end of times » de The CareTaker, The Oldest View est l’histoire de la disparition des souvenirs, des traces, la décadence de la mémoire, mais pas d’une personne cette fois : de la mémoire collective, celle d’une ville. C’est aussi la chute d’un lieu, un Mall, un centre commerciale plein de vie et de joie qui tombe en ruine et est détruit ne laissant que de la poussière derrière lui.
Ce que nous donne à voir Kane Pixels dans The Oldest View c’est le croisement de deux réalité, cet instant de rencontre, cet effleurement d’un calque sur l’autre. Mais il nous donne aussi à ressentir une émotion particulière pour laquelle nous n’avons pas encore trouvé un nom : cette espèce de nostalgie étrange et douce pour un temps, un lieu, une chose, une personne que nous n’avons jamais connue.
Il modélise ce lieu avec tant de précision et d’émotion qu’on dirait qu’il nous raconte ces propres souvenirs.
Cette émotion de souvenir qui ne nous appartient pas vraiment, de nostalgie de l’inconnue, Valentina Tanni en parle aussi dans son livre ‘Exit Reality’ quand elle parle de Vaporwave ou de Frutiger Aero et comment les adeptes de ces esthétique sont obnubilé.e.s par l’imagerie des anciennes version de Windows (95, Xp, Vista) qu’iels n’ont pourtant probablement pas (ou très peu) connues.

"Exit Reality" de Valentina Tanni, 2020, NERO.
Ce sentiment, il m’est familier : une de mes sœur à 12 ans de plus que moi, j’ai grandi dans le début des année 2000 avec le son des Wizz, la poussière qui s’entassait sur le moniteur de 2fois mon poids et ma taille, la lampe a lave violette, le poster de Chester Bennington derrière la porte puis plus tard le CD des Sims 3 rayé de trop de nuit passer sans dormir à la regarder jouer.

Lampe à Lave violette

CD des Sims3
Aujourd’hui, cette apparence particulière de l’internet du début des années 2000, je la connais par cœur, comme si je l’avais moi-même vécu. Mais je suis né.e en 2004 et bien que j’aie eu accès à Internet tôt par rapport aux autres enfants (circa 2012, à mes 8/9 ans) pour jouer ou regarder des vidéos, c’est vraiment cette première version, première esthétique de l’internet toute publique qui m’accompagne dans mon travail, ce perçoit jusqu’à dans ce site.
C'est d'ailleur bien pour ça qu'il est est fait sur neocities, le descendant de geocities, un hébergeur web des années 2000 (1994-2009/2019 au japon),où beaucoup d'utilisateurice de myspace ont migrer le transformant en une sorte de réseaux social avec carte blanche en terme de personnalisation et de création.

Compilation de site geocities trouvé sur Reddit.
Cette esthétique, cette apparence est une des entités qui hante mon travail, mon esprit, mon ordinateur …